dimanche 11 novembre 2012

ROBERT MORRIS

Card file est un fichier de bibliothèque listant sur chaque onglet une de opérations abstraites nécessaires à sa propre construction. Ici, le paradoxe réside dans la notion d’œuvre elle-même : le processus créateur est plus important que la création elle-même, la création n’est parfois plus nécessaire dans la mesure où le projet est déjà une production. Mais Card file représente la synthèse de cette dialectique : si l’exécution est exposée il n’en reste pas moins la présence de l’exécuté. Et c’est là où réside la tautologie absolument fermée de Morris : le réalisé représente la réalisation qui elle-même constitue le réalisé. Pourtant si le propre de cette tautologie est d’être fermée dans le chiasme habituel ; elle mène à un vaste champ réflexif ouvert.
            On peut dire qu’il s’agit en fait d’une marche réflexive. Par la mise en abyme de l’œuvre, le spectateur est entraîné dans une spirale infinie : la production ne semble pas achevée puisqu’elle propose comme « la recette » d’une autre production, elle renvoie même à une infinité de productions similaires. L’œuvre est de ce fait complètement désacralisée. Elle suggère en fait plusieurs choses : le processus créatif n’existe plus car il devient impersonnel, comme la fabrication d’un gâteau à partir d’une recette. L’action n’est plus réfléchissante comme au temps où l’artiste ne savait pas encore ce que son œuvre allait être et qu’il ne la découvrait qu’une fois achevée, comme étrangère à son acte, mais bien déterminante au sens où le concept précède l’œuvre : et ceci s’exprime d’autant plus parfaitement ici que le projet se confond avec l’œuvre, que l’œuvre représente le projet. Ici, l’œuvre de Morris s’apparente même à une revendication purement conceptuelle qui veut que
le projet soit une véritable création à part entière ; que la création soit de l’ordre de l’idée et non du sensible. Il ne s’agit pas néanmoins de la démarche de l’artisan pour qui le concept précède à l’ouvrage car le concept lui est  donné de l’extérieur. Or chez l’artiste conceptuel, il s’agit de création véritable de concept. Ainsi, le projet existe en tant que démarche artistique qui permet de faire de l’art sans œuvre. Mais cela n’induit-il pas un bouleversement de la notion d’art ?

http://sergecar.perso.neuf.fr/TPE/art_concept/art_concept9.htm

Card file

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